LE PLAISIR DE LA CULTURE ITALIENNE
- Annie Prost
- 7 sept. 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 sept. 2020
J’ai regardé la première saison de deux nouvelles séries qui ont comblé mes attentes de créativité : « The young pope » de Sorrentino avec un Jude Law magistral. Sorrentino a imaginé l’élection d’un jeune pape américain qui va essayer de refonder l’église catholique en utilisant toutes les stratégies de communication actuelles.
Abandonné enfant par des parents hippies dans un orphelinat, il est animé par un fantasme christique (les bras en croix), ce qui soutient l’intrigue et développe un récit créatif. J’adore. Jude Law est absolument magnifique dans ce rôle, même s’il a pris quelques rondeurs à la taille, car nous n’échappons pas aux séances de piscine ou aux exercices aux appareils de musculation, pour la mise en scène de son corps de séducteur.
L’autre série qui m’a séduite est la saga de la famille Médicis. En plein coeur de mes recherches culturelles sur l’Italie, je me suis bien régalée avec cette première saison qui commence avec le fondateur Giovanni de Médicis et son fils Cosimo qui deviendra le fameux Cosme l’Ancien. Comme la saga dure 3 siècles et demi, je sens déjà que je vais me passionner pour les suivantes.
Toujours sur le sujet italien, je viens de terminer « L’histoire de Rome » de Jean-Yves Boriaud (professeur de langue et littérature latine à l’université de Nantes). Tout à fait exceptionnel. L’auteur réussit à nous raconter 2000 ans d’histoire en 450 pages en livre de poche, tant sur le plan politique que religieux, économique, architectural et artistique. Une véritable prouesse. Tout en sélectionnant les faits majeurs, il nous donne des informations qui nous permettent d’améliorer notre compréhension des événements. J’ai découvert le concept de « légende primordiale » à propos de la civilisation romaine, avec l’adoption de Rémus et Romulus. Ces derniers, déjà fils du Dieu Mars et de la vestale Rhéa Silvia, furent élevés par « una lupa », qui en latin veut dire prostituée ou louve, en réalité la femme du berger où les jumeaux furent recueillis après avoir été abandonnés dans le Tibre. Le pas fut facilement franchi de la lupa prostituée à la lupa louve pour faire des jumeaux des êtres exceptionnels sauvés par le bon vouloir des Dieux et installer une légende qui donne l’adoubement du surnaturel à la naissance de la civilisation romaine.
Toute origine de civilisation a besoin de surnaturel et de mystère pour rencontrer l’imaginaire humain et créer une légende, car sans magie, impossible d’enclencher l’adhésion des foules qui ne demandent qu’à croire à l’irréel pour supporter leur condition humaine. C’est ainsi que l’archange Gabriel dira à Joseph que sa femme attend le fils de Dieu venu sauver les hommes, que le même archange Gabriel dictera le Coran à Mahomet, que Jeanne d’Arc entendra des voix qui la conduiront au roi de France, etc. Je cite aussi l’exemple de Constantin qui est particulièrement significatif pour comprendre la chute de l’empire romain : explication que je cherche depuis longtemps. Je ne comprenais pas pourquoi cet empire si puissant et organisé sur le plan militaire, politique et administratif, puisse s’être effondré face à quelques hordes de barbares, bien que la décadence des moeurs soit communément admise. Je l’ai compris quand j’ai appris qu’à la conversion de Constantin, Rome était peuplée d’un tiers de chrétiens, les classes populaires et les femmes bien sûr, séduites par le message du Christ (égalité des hommes, des femmes et des esclaves créés à l’image de Dieu), ce qui a valu à Constantin une forte hostilité des classes dirigeantes aristocratiques romaines. Constantin décida alors de déplacer tout le pouvoir et la puissance de l’empire (militaire, financier, le sénat, etc.) à Constantinople, qui devint ainsi la capitale de l’empire romain d’orient, tandis que restait à Rome, capitale de l’empire d’occident, un César pour assurer la continuité de l’empire où plusieurs médiocres se sont succédés, souvent en concurrence avec les papes.
Cela m’a éclairée et a répondu à ma question « mais pourquoi donc l’empire romain s’est-il écroulé face à des hordes venues du nord et de l’est (Wisigoths, Ostrogoths, Lombards et même Normands) alors que les Francs eux, ont su défendre leur royaume de France ? » La raison est donc maintenant pour moi évidente : parce que Rome n’était plus la Rome d’Auguste, sans véritable armée et pouvoir fort, elle était dirigée par des pseudos Césars sans véritable puissance financière et armée. On comprend donc que cette Rome faible ait été envahie par plusieurs vagues de barbares successives alors que Constantinople restera encore plus de 1000 ans la capitale de l’empire romain d’orient. Bon, voilà une réponse pertinente à mon questionnement d’enfance, passionnée d’histoire et cherchant toujours à comprendre.
J’ai compris une deuxième chose en lisant ce livre, c’est à quel point la chrétienté occidentale avait été fragile en raison de la lutte entre le pouvoir papal et le pouvoir temporel. Si Pépin le Bref donna aux papes ses conquêtes italiennes pour qu’ils puissent assoir leur pouvoir sur un état, celui-ci fut contesté par les forces barbares envahissantes ou locales et Rome fut pillée à plusieurs reprises avant de devenir la capitale spirituelle qu’elle est aujourd’hui.
The Young Pope ...un délice, on a adoré les clins d’œil, satires...aimé aussi la suite The New Pope👍👍👍